Inscription au cours : Wicca fondation
Les hypersigils, ou supersigils, représentent une évolution du concept des sigils.
Bien que ces sigils, glyphes ou sceaux magiques, possèdent des racines très anciennes dans diverses traditions magiques, cet article évoque uniquement les sigils tels que développés par l’artiste et occultiste Austin Osman Spare (1886-1956).
Généralement, un sigil consiste à transformer un désir ou une intention en un symbole graphique unique, à oublier ensuite.
Pour Spare, le sigil est un symbole graphique personnel issu d’un désir ou d’une volonté, destiné à communiquer directement avec l’inconscient. Il pensait que l’inconscient possède un immense pouvoir créatif qui peut être activé en condensant une intention sous une forme visuelle : un « monogramme de la pensée ».
L’idée consiste à créer un pont entre l’esprit conscient et subconscient sans interférence rationnelle, pour que ce dernier agisse subtilement dans le monde matériel. Une fois le sigil « chargé » puis « oublié », il s’enracinerait dans l’inconscient, comme une graine plantée dans l’ombre, qui germe discrètement.
Hypersigils, des super sigils complexes et dynamiques
Contrairement à ces sigils qui sont des symboles graphiques statiques, les hypersigils s’incarnent dans des formes narratives complexes et dynamiques, qui évoluent dans le temps. Les sigils sont des instantanés magiques en quelque sorte, avec un but ciblé et ponctuel : une magie condensée. Les hypersigils ont un objectif de transformation personnelle (et éventuellement collective), profonde, prolongée, mouvante : une « magie expansive ».
Ainsi, les hypersigils peuvent prendre la forme d’une série de bandes dessinées, de romans, de musique, de films ou toute autre performance artistique.
Ce concept a été popularisé par l’occultiste et artiste multidisciplinaire Grant Morrison, qui a utilisé son comics The Invisibles comme un hypersigil. Il a projeté ses intentions et ses expériences personnelles dans l’histoire, ce qui aurait transformé sa propre vie. L’idée est que, en s’immergeant complètement dans la création d’un hypersigil, il est possible d’influencer la réalité et provoquer des changements concrets.
Notez que The Invisibles n’était pas seulement un outil de transformation personnelle pour son scénariste, Grant Morrison, il s’agissait aussi d’une tentative délibérée d’agir sur la culture elle-même.
Dans plusieurs interviews, Morrison évoque sa volonté de créer une œuvre capable de « reprogrammer la réalité » à grande échelle. Il voyait The Invisibles comme un hypersigil collectif, destiné à insuffler des idées de liberté, de désobéissance, de magie et de conscience élargie dans l’imaginaire populaire. Il souhaitait voir sa série devenir un catalyseur pour une mutation culturelle, une sorte de virus narratif libérateur. Il a même rapporté que certaines parties de l’histoire lui avaient été « transmises » lors d’expériences mystiques, et que le récit servait à préparer les lecteurs à une nouvelle perception du réel : soit une initiation déguisée en bande dessinée. The Invisibles visait donc à transformer l’auteur, le lecteur, et le monde. Rien que ça ;o)
Morrison expérimente… Parfois pour le meilleur, mais pas toujours…
Morrison met donc en pratique son idée d’hypersigil dans sa série de comics. Son personnage de King Mob dans The Invisibles est une projection directe de lui-même. Il s’agit de son double fictionnel, un alter ego idéalisé, porteur de ses désirs, convictions, fantasmes. Au fil de sa création, ce qu’il programme dans le récit semble s’incarner dans sa propre réalité. Morrison raconte ainsi que, lorsqu’il a fait torturer King Mob au cours de son histoire, il s’est ensuite lui-même retrouvé hospitalisé et a frôlé la mort. Ses choix de vie ou les qualités attribuées à son personnage finissaient aussi par apparaître dans sa propre existence. Il a commencé à devenir ce personnage cool, libre, fort, spirituel qu’il avait créé. Mais chaque coup que King Mob recevait, il le sentait aussi. Conséquemment, il choisira d’être plus doux avec son personnage par la suite.
Pop magic !
Dans son essai Pop Magic, Grant Morrison propose une approche moderne et accessible de la magie. Il y décrit une forme de magie personnelle, intuitive et décomplexée, enracinée dans l’imagination, la culture populaire et l’expérimentation individuelle. Pas besoin de tralalas, tout ce qu’il faut, c’est de la concentration, de l’imagination, la capacité de rire de soi-même et d’apprendre de ses erreurs.
Il y explique son concept d’hypersigil (traduction personnelle) :
Hypersigils :
« L’hypersigil » ou « supersigil » développe le concept du sigil au-delà de l’image statique et y intègre des éléments tels que la caractérisation, le drame et l’intrigue. L’hypersigil est un sigil étendu à la quatrième dimension. Ma propre série de bandes dessinées, The Invisibles, était un sigil sous la forme d’une histoire d’aventure occulte qui a duré six ans, consumant et recréant ma vie au fil de sa composition et de son exécution. L’hypersigil est une méthode extrêmement puissante et parfois dangereuse pour altérer la réalité en fonction de l’intention. Les résultats peuvent être remarquables et stupéfiants.
Expérimenter :
Après s’être familiarisé avec la méthode traditionnelle des sigils, voyez si vous pouvez créer votre propre hypersigil. L’hypersigil peut prendre la forme d’un poème, d’une histoire, d’une chanson, d’une danse ou de toute autre activité artistique prolongée que vous souhaitez expérimenter. Il s’agit d’une technologie récente, dont les paramètres restent à explorer. Il est essentiel de s’immerger totalement dans l’hypersigil au fur et à mesure de son élaboration ; ce qui requiert un haut degré d’absorption et de concentration (ce qui peut mener à l’obsession, mais après tout, pourquoi pas ? Vous pourrez toujours pratiquer un bannissement à la fin), comme avec la plupart des œuvres artistiques. L’hypersigil est une miniature dynamique de l’univers du magicien, un hologramme, un microcosme ou une “poupée vaudou”, qui peut être manipulé en temps réel pour produire des changements dans l’environnement macrocosmique de sa vie « réelle ».
En d’autres termes, « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ».
Persona online
Dans cette perspective, même nos présences numériques (comme nos profils Instagram, X, etc., nos avatars, nos blogs, etc.) peuvent être envisagées comme des hypersigils contemporains.
En sculptant une persona en ligne à travers nos choix narratifs, esthétiques et émotionnels, nous projetons sur le monde une version façonnée de nous-mêmes.
Cette construction identitaire prolongée agit alors comme une boucle de rétroaction : elle influence nos perceptions, nos comportements et parfois même notre réalité quotidienne. À force de les habiter, ces fictions de nous-mêmes finissent parfois par nous transformer nous-mêmes. Par exemple, nous pourrions vouloir coller davantage à cette image que nous donnons et finir par devenir cette personne.
Ce sont des récits magiques en constante évolution, des hypersigils vivants, façonnés par nos choix, nos images, nos mots.
Fake it !
Ceci fonctionne sur le même principe marketing ou développement personnel, « fake it till you make it », soit « fais semblant jusqu’à ce que tu y arrives ». Principe qui trouve ses racines dans la psychologie du « comme si » d’Alfred Adler (1870-1937).
Le psychologue Alfred Adler parlait de la « psychologie du comme si » pour décrire notre capacité à modeler nos comportements, non pas selon ce que nous sommes, mais selon ce que nous aspirons à devenir. Il estimait que l’individu pouvait se transformer en adoptant consciemment des attitudes, des postures ou des récits comme s’il incarnait déjà la version souhaitée de lui-même. C’est une forme d’auto-fiction performative, où l’imaginaire devient levier d’action.
Agir « comme si… J’étais courageux, inspirant, libre… » permet de court-circuiter les limites imposées par nos expériences passées ou nos croyances actuelles. Il ne s’agirait pas tant d’un mensonge, que d’un acte de création identitaire. Un moyen d’avancer sans attendre d’avoir « changé ».
En cela, la magie narrative et créative des hypersigils rejoint cette psychologie.
Les hypersigils offrent ainsi une approche intéressante pour transformer la réalité à travers la création artistique. Cependant, l’hypersigil n’est pas réservé aux artistes ou aux occultistes chevronnés. Il suffit d’un désir, d’un médium et d’une volonté de se raconter autrement. Que ce soit à travers un roman, un journal en ligne, une série de vidéos ou même un compte Instagram, chaque récit peut devenir un sortilège à part entière.
Alors, pourquoi ne pas commencer votre propre hypersigil aujourd’hui et voir où cette aventure vous mènera ?
Bibliographie :
- Grant Morrison. “Pop Magic!” In The Book of Lies : The Disinformation Guide to Magick and the Occult, édité par Richard Metzger, Disinformation Company, 2003.
- Grant Morrison. The Invisibles. Série de comics conçue comme un hypersigil autobiographique et magique, influençant la vie de l’auteur au fil de son écriture.
- Alan Moore. Promethea. Bien que l’auteur ne la qualifie pas d’hypersigil, cette œuvre de fiction ésotérique explore la magie, la kabbale et la conscience à travers un récit initiatique souvent perçu comme un hypersigil involontaire.
- Austin Osman Spare. The book of pleasure (self-love) : The Psychology of Ecstasy, publié en 1913.