Sorcellerie et hypnose

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Par Doreen Valiente. Extrait du livre : « An ABC of Witchcraft past and present ». Traduction & adaptation : Lune.

Il est indéniable que l’hypnose est connue, sous de nombreux noms différents, depuis des temps très anciens et pratiquée comme une technique secrète de magie.

Sous l’éclairage de l’hypnose et de la suggestion post-hypnotique, de nombreux et étranges récits de prétendus envoûtements commencent à s’expliquer. Par exemple, les histoires de sorcières qui soulagent les douleurs de l’enfantement en les transférant à un chien ou à un chat. La femme était hypnotisée, puis on lui disait qu’on avait transféré ses douleurs. Elle se sentait mieux et le chien ou le chat n’allait pas plus mal. Cependant, dans certains cas, la sorcière allait plus loin et transférait les douleurs à l’époux de la femme en couches. Une suggestion habillement placée pouvait être très puissante ! Lorsque le mari voyait sa femme soulagée, il supposait que le sort avait fonctionné et commençait à souffrir conséquemment ; ce qui n’était pas une mauvaise idée dans le cas d’un homme qui imposait à sa femme une grossesse après l’autre.

Dans le monde entier, la suggestion a joué un rôle très important dans la pratique des sorcières et magiciens de toutes sortes. C’est pour cela que la sage-femme de village, la sorcière blanche ou le rebouteux s’assuraient que le regard des visiteurs tombe bien sur le spectacle des traditions occultes dans leur masure. Par exemple, avec des pots d’herbes séchées disposés sur les étagères ; quelques objets étranges exposés, tels que des serpents en bocaux, des chauves-souris momifiées ; peut-être un ou deux crânes humains ; et quelques ouvrages pour impressionner, comme l’Herbier de Culpeper ou l’Astrologie de Lillie (que la sorcière sache lire ou non). Des visiteurs rustiques pouvaient ainsi être convenablement intimidés ; en particulier si la sorcière énonçait quelques faits simples sur leur personne, ce qu’ils supposeraient avoir été découverts par voyance.

Le rebouteux et la sage-femme pouvaient même en savoir suffisamment sur leurs affaires, à leur insu, pour deviner astucieusement ce qu’ils étaient venus requérir. En marquant ainsi profondément leur esprit, ces visiteurs devenaient dès lors comme de la pâte à modeler entre les mains des ensorceleurs. En réalité, ce n’est pas une chose si difficile, en particulier dans un petit village où les commérages sont l’une des rares récréations. La fameuse prêtresse vaudoue, Marie Laveau de La Nouvelle-Orléans, employait régulièrement des agents de renseignements, recrutés parmi les serviteurs des maisons des familles dirigeantes, afin de glaner des informations avec lesquelles elle pouvait surprendre ses clients en vogue.

Bien sûr, la suggestion peut être employée, comme tout autre pouvoir, à des fins mauvaises ou bonnes. En fait, la sorcière de village, avec sa connaissance des herbes médicinales, son expérience de sage-femme (il existe un vieux dicton à ce sujet : « Meilleure est la sage-femme, meilleure est la sorcière »), son usage de l’hypnose et de la psychologie pratique, comme nous l’appelons aujourd’hui, ont fait probablement beaucoup plus de bien que de mal. Le célèbre docteur médiéval, Paracelse, qui était appelé le père de la chirurgie moderne, admettait qu’il avait acquis une bonne part de ses connaissances auprès de sorcières.

En 1570, le vicaire de Saint Dunstan, près de Canterbury, s’est plaint auprès des autorités car une sorcière incarcérée à Canterbury était traitée avec beaucoup trop de clémence. Apparemment, le gardien de prison avait remarqué publiquement que « la sorcière avait fait plus de bien grâce à sa médecine que Messieurs Pundall et Wood en tant que prédicateurs de la parole de Dieu » ; et ces prédicateurs en furent très offensés.

L’un des moyens utilisés par les sorcières pour induire l’état d’hypnose consistait à amener leurs patients à regarder fixement la lame brillante d’une épée ou d’un couteau. Un recueil des lois d’Angleterre, rédigé au XIIIe siècle, condamne les pratiques « d’enchantement, comme celles de conduire les gens au sommeil ». Les méthodes efficaces pour y parvenir étaient gardées tels de grands secrets magiques ; et ce n’est qu’au cours des premières années du XIXe siècle que l’hypnose médicale a commencé à être étudiée sérieusement par les docteurs, en dépit de l’opposition farouche de ceux qui la considéraient comme de la magie noire.

Le Dr James Braid fut l’un des pionniers de l’hypnose médicale et fut le premier à utiliser le terme d’hypnotisme en 1843. Il redécouvrit l’une des méthodes employées par les sorcières depuis des siècles, à savoir celle d’amener le patient à regarder fixement un objet brillant. Voici la méthode du Dr Braid, en ses propres termes :

Prenez n’importe quel objet brillant (j’utilise généralement mon porte-lancette) entre le pouce, l’index et le majeur de la main gauche ; tenez-le à environ 8 à 15 pouces des yeux, au-dessus du front afin d’obtenir la plus grande tension possible au niveau des yeux et des paupières, et permettre au patient de maintenir un regard constant et fixe sur l’objet. Il faut faire comprendre au patient qu’il doit garder constamment les yeux fixes sur l’objet et l’esprit rivé sur l’idée de cet unique objet. On observera qu’en raison de l’action synergique des yeux, les pupilles se contracteront dans un premier temps, peu après elles commenceront à se dilater, et après s’être dilatées considérablement et avoir adopté un mouvement très ondulatoire, si l’index et les doigts du milieu de la main droite, étendus et un peu séparés, sont portés de l’objet vers les yeux, il est très probable que les paupières se fermeront involontairement, avec un mouvement vibratoire. Si ce n’est pas le cas ou si le patient laisse les globes oculaires bouger, demandez-lui de recommencer, en lui faisant comprendre qu’il doit laisser ses paupières se fermer lorsque les doigts seront de nouveau portés vers les yeux, mais que les globes oculaires doivent rester fixes, dans la même position, et l’esprit rivé à la seule idée de l’objet au-dessus des yeux.

Pour induire l’hypnose de façon similaire, les sorcières utilisaient également une boule qui reflète la lumière, connue sous le nom de boule sorcière. On en voit souvent aujourd’hui suspendues dans les magasins d’antiquités. Elles varient en taille et en couleur, elles peuvent être massives et suspendues par une chaînette ou assez petites, guère plus grosses que les boules pour sapin de Noël, dont elles sont probablement à l’origine. (Voir BOULE SORCIÈRE.)

Cependant, les sorcières se servent de ces boules à des fins magiques bien définies, l’induction de l’hypnose en fait partie comme nous venons de le voir. La boule brillante était suspendue au plafond ou à quelque endroit commode et il était demandé au sujet de s’asseoir sur une chaise, de se détendre et de regarder vers le haut. Dans une chaumière éclairée aux bougies, la lumière disposée avec soin, le parfum des herbes et de l’encens dans l’air, cette méthode était efficace pour induire la transe.

Il y a quelques années, le Brighton Evening Argus présentait l’histoire d’un dentiste local qui utilisait l’hypnose dans son cabinet et trouvait cela très utile. Sa méthode pour induire l’état hypnotique chez ses patients était similaire à celle des sorcières, il utilisait une boule sorcière d’argent brillant suspendue au plafond de son cabinet ! L’histoire relatée dans ce journal ne précisait pas si le dentiste était conscient d’utiliser la boule sorcière de manière traditionnelle.

En vérité, « il n’y a rien de nouveau sauf ce qui a été oublié ».

Nombre de vieux auteurs débattent longuement sur la capacité ou l’incapacité des sorcières à transformer les gens en animaux. Doté de la connaissance de l’hypnose, un praticien puissant pouvait certainement faire croire à un tiers qu’il l’avait changé en animal. Certains mesméristes de scène d’autrefois pratiquaient régulièrement ce genre de choses dans le cadre de leur spectacle. Et s’ils pouvaient le faire, une sorcière le pouvait également, surtout à l’époque où presque tout le monde croyait implicitement que de telles transformations étaient possibles. Le sujet du mesmériste de scène se rendait compte après coup qu’il avait été victime d’une illusion, mais la personne envoûtée par une sorcière ne savait habituellement rien de tels pouvoirs autres que la sorcellerie.

Cependant, bien avant l’époque de Friedrich Anton Mesmer (1733—1815), qui est généralement considéré comme  étant le créateur du mesmérisme (l’ancien terme pour hypnose), certains hommes intelligents avaient compris que ce pouvoir supposément maléfique de sorcellerie était simplement une loi de la nature.

Par exemple, Van Helmont appelait cela « magnétisme ». Il a déclaré que le magnétisme agit partout et qu’il n’avait de nouveau que le nom :

Il n’est un paradoxe que pour ceux qui se moquent de tout, et attribuent au pouvoir de Satan ce qu’ils ne peuvent expliquer.

Comme Mesmer, les premiers étudiants de ce sujet considéraient les effets comme étant produits par une sorte de fluide invisible, qui passait d’une personne à une autre et qu’ils comparaient à la force émanant d’un aimant magnétique ; c’est pourquoi on utilise le terme de « magnétisme » dans ce contexte. La plupart des hypnotiseurs modernes rejettent cette idée, mais de nombreux occultistes considèrent qu’elle recèle une part de vérité.