La Chasse Sauvage

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La Chasse Sauvage. Par Tof et Véro, 2006.

Tof : Pas très loin de chez moi passe une « Grimlingweg » c’est à dire un chemin emprunté par la Chasse Sauvage.

Cette chasse sauvage est connue dans tout l’occident, elle fait partie de la mémoire archaïque européenne. On se la représente sous la forme d’une armée de morts, ou un cortège de revenants, à la tête de laquelle se trouvent différents personnages mythiques comme Hellequin, Odin, Charlemagne ou Arthur.

Cette troupe de guerriers célestes et nocturnes fait partie de la plus vieille mythologie européenne. On a fait de ces chasseurs imaginaires des revenants qui traversent le ciel certaines nuits en hurlant au son d’étranges musiques, et malheur à celui qui les croise.

Tout au long du moyen-âge on raconte qu’un tel a disparu parce qu’il a croisé de nuit la Mesnie Hennequin et qu’il a été entraîné soit par la violence, soit par la fascination. Parfois on ne revoyait plus jamais l’imprudent et parfois on le retrouvait pendu (on se souvient qu’Odin s’est pendu à l’arbre du Monde) à proximité de l’endroit où il a rencontré la Mesnie.

Dans un manuscrit du XIIème siècle on décrit ainsi cette Mesnie : « Un grand nombre de personnes ont vu et entendu les chasseurs. Les chasseurs étaient noirs, grands et répugnants et leurs chiens étaient sales et tous noirs avec de grands yeux. Ils chevauchaient des chevaux noirs…La nuit, les moines les ont entendus souffler dans leurs cornes. Des hommes dignes de confiance les ont vus la nuit et ont affirmé qu’il y avait bien vingt ou trente personnes qui soufflaient dans leur corne ».

Dans la culture française, c’est la Mesnie Hellequin. On en retrouve des descriptions et des gravures dans de nombreux ouvrages du XIIème siècle. Dans ces livres cette troupe de démons est conduite par Hellequin, le Grand Veneur (en forêt de Fontainebleau par exemple) ou l’Homme en Noir.

Si on cherche une étymologie à Hellequin on tombe sur deux pistes. Certains voudraient faire provenir Hellequin de Elfenfrind (ami des elfes) alors que d’autres y voient une déformation de Charles Quint.

Par chez moi, c’est plutôt la fureur sacrée de l’armée d’Odin accompagnée d’une meute de chiens hurlants et à la langue de feu que l’on croise certaines nuits de pleine lune à la lisière de certaines forêts et dont le cri de guerre et « Wot Wot Wot ». Cette sarabande démoniaque est à la chasse aux âmes pour renforcer encore cette armée de seigneurs damnés qui errent pour l’éternité dans les forêts. On raconte que dans cette troupe on retrouvait deux groupes bien distincts, les « Berserkr » (guerriers furieux) et le « Ulfhednar » (guerriers-loups). On dit que les Ulfhednar sont des loups-garous et sont invulnérables.

Lorsque plus haut je disais pas loin de chez moi, je pensais à la voie qui relie Hausbergen à Mundolsheim, deux villages qui doivent (selon certains) leur nom aux deux corbeaux d’Odin Hugin (d’où Hugisperga qui a donné Hausbergen) et Munin (d’où Munoltsheim qui a donné Mundolsheim).

Par-là bas il y avait un Grimlingsbrunnen (un puits de Grimling, c’est à dire de Wotan / Odin) et il y a toujours une rue Grimling.

L’Alsacien Jean Geiler de Kaysersberg a écrit en 1516 au sujet de la Chasse Sauvage : « Celui qui meurt avant le terme que Dieu a décidé devient l’un d’entre eux. C’est le cas de ceux qui s’engagent dans l’armée et sont poignardés, pendus ou noyés, ils devront rester sur cette terre longtemps après leur mort, jusqu’à ce que Dieu décide que le moment est venu ».

En Alsace, ce n’est pas toujours Odin / Wotan qui dirige cette troupe maudite, parfois c’est une femme qui guide les âmes. Dans ce cas on a affaire à Frau Perchte ou Frau Holle. Souvent l’armée est alors composée d’enfants qui eux aussi sont morts avant que leur heure ne soit venue. Cette armée là, seuls les enfants peuvent la voir, mais ils ne risquent rien, elle ne leur fera pas de mal et ils ne sont pas enrôlés de force, au contraire Frau Holle est plutôt gentille avec eux puisqu’elle leur offre des présents (souvent un peu de nourriture) et certains ont fait de cette pratique l’origine de la Christkindel, cette dame tout de blanc vêtu qui amène des présents aux enfants sages en Alsace le soir de Noël (on n’a pas de père Noël nous).

Dans la mythologie saxonne, Odin/Wotan rassemble tous les guerriers morts dans le Walhalla pour former son armée Einherjar. Tous les jours, ces guerriers s’entraînent au combat et le soir l’armée revient pour soigner ses plaies et pour profiter du banquet qui les attend.

Au début du siècle dernier en Alsace, il y avait encore à proximité du solstice d’hiver, une sorte de défilé carnavalesque où les participants masqués (« Grimnir » signifie « le masqué » et peut rappeler les « guizers » anglais qui eux aussi vont masqués en processions) et déguisés en personnages fantomatiques ou en animaux, faisaient le plus de bruit possible. Ils faisaient le tour du village et s’attardaient plus spécialement à proximité des maisons qui ont connu un décès dans l’année. Le soir, les danseurs de Grimling se retrouvaient dans une Grimlismatt (pré de Wotan / Odin) pour festoyer et nommer un roi de la fête.

Les frères Grimm parlent eux de Wutendes Heer (l’Armée Furieuse) qu’ils font dériver de Wotan’s Heer (l’Armée d’Odin). Ailleurs on retrouve cette Mesnie sous les noms de Mesnie Furieuse, Hoste d’Hellequin, Menée Hennequin, Chasse Infernale, Chasse Furieuse, Chasse Arthur, Chasse Maligne, Chasse Maudite, Chasse d’Holopherne, Chasse Macchabée ou Familia Herlequini…

Véro : J’ai essayé d’approfondir un peu le sujet de la chevauchée sauvage, mais il y a tellement d’orthographes différentes pour la désigner que ça complique singulièrement les choses. Voici toutefois le fruit de mes recherches.

Comme vous le saviez déjà elle a lieu essentiellement entre noël et la fête des rois, mais il y a un équivalent en été.

Elle est constituée de chevaux et de boucs que chevauchent des esprits, en tête desquels le Diable en personne (ou Wotan, c’est selon), il est accompagné de l’épouse du vent, avec ses cheveux rouge feu (ou de Dame Holle, c’est selon). Ils se déplacent à grand bruit et ce n’est qu’au jour naissant qu’ils se disperseront (quoi que certains les aient vus en plein jour…. C’est selon.)

C’est l’épouse du vent qui est chargée de veiller au grain, ainsi dès le premier chant du coq dira-t-elle « un coq blanc a chanté » et le diable répond « un coq blanc ? ça m’est bien égal », puis « un coq rouge a chanté » « un coq rouge est un coq mort » et enfin « un coq noir a chanté » « un coq noir ? il est temps d’y aller » et tous disparaîtront dans une eau courante ou les eaux profondes d’un lac.

Pendant le temps qu’ils hantent les lieux il vaut mieux ne pas sortir de chez soi. Si toutefois vous ne pouviez faire autrement il y a quelques moyens de leur échapper. Soit vous vous couchez par terre, face contre terre, les bras en croix, de préférence du côté droit de la route (dans le sens de la circulation de la chasse), sans rien laisser dépasser à plus de 30 cm du sol (la chasse passe grosso modo à cette altitudes), soit vous vous asseyez sur une souche d’arbre portant les trois croix laissées par les bûcherons (mais attention si les trois croix n’ont pas été faites de 6 et seulement 6 coup de hache ça ne marche pas), faute de quoi vous serez emporté ou bien tout ce qui dépassera des 30 cm sera déchiqueté. Et ceux qui en sont revenus avaient les cheveux blanchis par l’effroi !

Seuls les enfants nés un dimanche de nouvelle lune peuvent voir la chasse sans dommage.

Quant à vos animaux domestiques, et particulièrement les chiens noirs, ils ne pourront pas résister à l’appel de la chasse, même si vous les attachez, même si vous les enfermez. Ils reviendront au matin, après deux ou trois jours, couverts de bave et de sueur.

Cette chasse ne peut emprunter que certains trajets. Parmi ses participants se trouve Berchta, encore appelée Holda, ou Frau Holle, elle emporte les âmes des enfants morts sans avoir été baptisés. Ceux-ci ne seront délivrés que si un humain leur adresse la parole. Pas facile quand on est face contre terre ! Il est arrivé que Berchta ait prévu d’emporter un nourrisson mourant, mais comme elle ne peut prendre qu’un seul chemin, parfois le curé, ou une sage femme, prend un raccourci et baptise l’enfant avant son passage. En voilà un qu’elle n’emportera pas.

Et le meneur, lui, l’homme sauvage, comme on dit parfois, est décrit comme étant grand, mais avec de petits pieds, accompagné de 6 chiens à 3 pattes, il porte un grand chapeau, orné d’une plume noire, et sa voix est profonde et caverneuse. Il emporte avec lui les âmes damnées, il leur cloue des fers à cheval sur les genoux et les fait courir à 4 pattes. On le sait de façon certaine car il est arrivé qu’on trouve des fers sur des chemins qui ne sont pas empruntés par les chevaux habituellement.

Et pour finir une histoire que j’ai trouvée très belle. Un homme marchait sur un chemin et il entendait la chasse sauvage derrière lui, arriva une colombe blanche, portant dans son bec une branche épineuse. Elle le pria de tracer un cercle sur le sol avec ladite branche, ce qu’il fit. Alors la colombe entra dans le cercle et devint une belle dame blanche. Mais voilà qu’arriva l’homme sauvage, effrayant, et il ordonna à l’homme terrorisé d’ouvrir le cercle. Malgré les supplications de la dame blanche il le fit et aussitôt l’homme sauvage s’empara d’elle. La chasse ne dura plus très longtemps, car peu après l’homme sur le chemin vit passer l’homme sur le cheval, le corps sans vie de la dame blanche en travers de sa selle, ses longs cheveux noirs balayant la poussière.

Nous on aurait su que dans le cercle il ne peut rien arriver de mal !