La porte du nord

Inscription au cours : Wicca fondation

Par Doreen Valiente. Extrait du livre : « An ABC of Witchcraft past and present ». Traduction & adaptation : Lune.

Photo : Femme montrant sa vulve, chapiteau du presbytère de la collégiale de San Pedro de Cervatos (Espagne).

Les très vieilles églises de Grande-Bretagne, comme de toute l’Europe, comportent souvent de remarquables vestiges de la foi païenne préchrétienne. Les personnages qui apparaissent dans leurs ornementations suggèrent une longue période de transition entre paganisme et christianisme. Une période au cours de laquelle les deux religions s’entremêlèrent et où une double allégeance dut largement exister.

(Ndlt : l’architecture romane regorge d’hommes feuillus ou hommes verts. L’abbaye Saint-André-le-Bas et la cathédrale Saint-Maurice de la ville de Vienne (Isère) en sont un bel exemple.)

L’un de ces personnages, mentionné précédemment, est celui de l’homme vert, une forme de l’ancien dieu des bois. La Sheila-na-Gig en est un autre que l’on trouve le plus souvent en Irlande, mais également dans quelques églises anglaises. C’est une représentation très franche de la sexualité féminine et qui tire probablement son origine d’une ancienne déesse de la fertilité, d’une Magna Mater primitive. La charmante petite statue connue sous le nom de Lincoln Imp (ndlt : le diablotin ou lutin de Lincoln) est encore un autre de ces personnages, dont la posture jambes croisées rappelle très fortement les statues gauloises du dieu cornu celtique, Cernunnos.

Le diablotin ou lutin de Lincoln.

Dans les vieilles églises ou les cathédrales, la partie nord correspond à l’endroit où chercher tout ce qui est de nature païenne. Ceci est dû à une étrange croyance qui rattache le nord au diable.

La raison reste nimbée de mystère, mais  il semble que cela soit un autre exemple du dieu de l’ancienne religion qui est devenu le diable de la nouvelle. Le nord des païens était un lieu de pouvoir, le mystérieux pivot sur lequel tourne la grande roue céleste. Souvenons-nous que l’un des passages de la grande pyramide d’Égypte est orienté face à l’étoile Alpha Draconis, qui n’est pas l’étoile du nord d’aujourd’hui, mais qui l’était autrefois, il y a plusieurs siècles. La constellation du Dragon (Draco) qui s’enroule autour du Pôle céleste a pu apparaître comme une représentation du diable aux chrétiens. Cependant pour les Celtes, comme pour les peuples orientaux, un dragon était un gardien de la sagesse et des mystères. Comme en témoigne le fier dragon rouge qui se trouve toujours sur la bannière du Pays de Galles.

Les anciens cimetières révèlent peu d’inhumations dans leur partie nord et ce sont généralement celles de personnes à qui l’on a donné un enterrement chrétien seulement avec réticence, comme les enfants non baptisés ou les suicidés. Le révérend George S. Tyack, dans son « Lore and Legend of the English Church » (William Andrews, London, 1899) commente ce préjugé contre le côté nord :

« Autrefois, le nord était censé représenter le diable du point de vue mystique et, en certains lieux, l’usage prévalait d’ouvrir la porte de ce côté de l’église lors de l’administration du Saint Baptême, permettant la sortie du démon exorcisé. »

Pour cette raison, la porte nord des vieilles églises était connue sous le nom de « Porte du Diable ». Il est étonnant de constater qu’aujourd’hui cette porte est  souvent murée dans les vieilles églises. On parvient rarement à obtenir une raison lorsque l’on se renseigne sur ce sujet ou, en tout cas, aucune raison convaincante. Pourtant les traces de ces portes du nord, murées, existent dans d’innombrables vieilles églises.

Une histoire qui explique ce fait particulier dit que dans les temps anciens, lorsque la fréquentation de l’église était plus ou moins obligatoire, les gens qui adhéraient secrètement à l’ancienne religion, en d’autres mots des sorcières, mettaient un point d’honneur à entrer dans l’église par la porte nord et s’asseyaient à proximité.

(Ndlt : Sur la porte nord de l’église romane Saint-Hilaire de Melle (Deux-Sèvres) un cavalier sur son cheval foule un petit enfant. Certains interprètent cette scène en voyant dans le cavalier l’empereur Constantin écrasant le paganisme représenté par l’enfant.)

Ils n’osaient pas manquer l’église chrétienne, en particulier dans les petits villages où tout le monde se connaît. En fait, à un moment donné, fréquenter l’église était réellement et légalement obligatoire. Et ceux qui ne s’y présentaient pas pouvaient être punis. Ainsi les païens adoptaient cette méthode pour se distinguer secrètement du reste de la congrégation, en utilisant la porte du diable. On trouve parfois de curieux graffitis, comprenant des symboles magiques et païens, autour de la porte du nord ou dans la partie nord des vieilles églises. Elles sont habituellement décrites dans les guides comme des « marques de tâcheron », mais étudier un peu le sujet nous permet de distinguer une véritable marque de tâcheron d’une marque d’origine tout à fait différente.

Finalement, les autorités ecclésiastiques se rendirent compte que cette coutume était secrètement observée par les éléments obstinément païens au sein de leurs congrégations. Elles décidèrent de la déjouer en bloquant la porte du diable dans bien des cas et les traces de leurs précautions à ce sujet restent visibles.