Clairvoyance pratique en Wicca Alexandrienne : symboles, déclencheurs et interprétations

Extrait du livre What witches do (1971), de Stewart Farrar. Traduction & adaptation : Lune.

NdlT : À propos de What Witches Do. Stewart Farrar rédigea cet ouvrage alors qu’il était encore un jeune journaliste, abordant la Wicca en observateur extérieur, avant d’être lui-même initié. Bien que cet ouvrage ait plus de 50 ans (Fiou !!), il reste, à mon sens, un excellent ouvrage pour découvrir comment fonctionne un coven.

La clairvoyance (littéralement, « vision claire ») est la faculté de percevoir des faits, des objets, des situations et des événements, qu’ils soient avérés ou potentiels, par des moyens autres que les sens physiques. Dans une définition stricte, cela signifie percevoir ces informations sous forme d’images, qu’elles soient « réelles » ou mentales. Plus généralement (et dans ce livre), cela inclut le fait de « voir » au sens de « je vois ce que tu veux dire ».

La clairaudience (« audition claire ») est une faculté similaire, mais dans ce cas l’information est perçue comme si elle était entendue plutôt que vue. Par simplicité, je l’inclus également sous l’intitulé général de clairvoyance.

Alex affirme que tout le monde est clairvoyant, pour peu qu’il s’y autorise, et que cette faculté peut être éveillée, développée et entraînée. Je pense que la plupart s’accorderaient à dire que le don d’intuition est largement répandu, en particulier chez les femmes : des « pressentiments » surgissent sans raisonnement préalable ni données sensorielles évidentes pour les étayer. Nous nous fions à l’intuition bien plus que nous ne le réalisons, ne serait-ce que parce que nous n’avons tout simplement pas assez de temps pour appliquer une réflexion consciente à la tonne de décisions, grandes ou petites, qui doivent être prises chaque jour de notre vie. Ainsi, nous suivons nos intuitions, et que nous aimions le mot ou non, nous faisons appel à la clairvoyance. L’homme de la rue limiterait ce mot aux manifestations plus spectaculaires et « surnaturelles » de ce talent, mais il s’agit de la même chose portée à son paroxysme, où une vague conscience devient certitude. La clairvoyance efficace et fiable est, en essence, l’intuition comprise, digne de confiance et entraînée.

Comment l’expliquer est une autre affaire, et cela mériterait un livre (au moins) à part entière. Sur un plan psychologique classique, on peut dire que l’inconscient a absorbé toutes les données connues de l’esprit conscient, et qu’il a continué à travailler sur elles en profondeur. Il parvient à une réponse et la projette dans la conscience. Cette émergence soudaine de la réponse paraît souvent miraculeuse (et donc peu fiable) à l’esprit conscient, parce qu’il croit qu’aucun travail n’a été fait sur le problème. En réalité, le travail a été accompli, mais en dessous du seuil de conscience.

Quand nous décidons de « dormir sur un problème », c’est précisément ce processus que nous mettons en marche. Et cela fonctionne, pas seulement pour des problèmes émotionnels ; les scientifiques et les mathématiciens l’utilisent aussi.

«Mais cette explication, bien qu’elle soit en partie vraie, ne suffit pas à rendre compte de tous les phénomènes en jeu. Elle ne peut expliquer la précognition (la prédiction d’événements futurs) que dans la mesure où il s’agit d’une extrapolation à partir de facteurs connus. Par exemple, elle n’expliquerait pas la première prédiction qu’Alex m’a faite personnellement, telle que je l’ai rapportée à la page 4. Il n’y avait aucun moyen possible pour moi, pour Alex, pour mon agent (qu’Alex n’avait pas encore rencontré), ou même pour Thames Television, de savoir à ce stade que j’écrirais un épisode de Special Branch, ni quel serait mon cachet (négocié par mon agent, pas par moi). Tout au plus, Thames Television pouvait avoir mon nom en tête parmi ceux d’autres auteurs. Mais, comme tout scénariste le sait, en matière de synopsis et de contrats, beaucoup sont appelés mais peu sont choisis.

Elle ne peut pas non plus expliquer les nombreux cas que j’ai connus où Alex a donné des conseils avisés et des prédictions exactes par téléphone à, ou concernant, des personnes qu’il n’avait jamais rencontrées. Un bref exemple : X était bouleversée à propos de son fiancé, Y, avec qui elle s’était disputée. Alex lui dit d’appeler Y à une certaine heure, un certain jour, à son bureau. Elle était persuadée qu’il ne serait pas là, et même s’il l’était, qu’il ne pourrait pas parler. Alex insista. Elle appela, et non seulement il était là, mais il était seul et répondit lui-même au téléphone.

Alex n’avait jamais rencontré ni parlé à Y, et n’avait aucun moyen « naturel » de connaître ses mouvements, mais il lui donna son conseil avec une certitude absolue. (Alex et X m’ont raconté cela indépendamment.)

Pour expliquer de tels cas, il faut dépasser les limites de la psychologie conventionnelle et entrer dans les domaines de la télépathie, de l’inconscient collectifi et de la théorie des niveaux. Ce n’est pas ici le lieu de développer ces théories en profondeur, donc je me limiterai aux façons pratiques dont les sorciers utilisent réellement la clairvoyance.

Les clairvoyants particulièrement doués comme Alex semblent capables de tirer leur matière “de l’air” si nécessaire, sans artifices, mais la plupart des gens ont besoin de ce qu’on peut appeler un “déclencheur” pour se mettre en route. Ces déclencheurs peuvent donner lieu à beaucoup de malentendus, car ils incluent, parfaitement légitimement, des choses comme les feuilles de thé.

Utilisées de manière mécanique pour fournir une réponse automatique selon des formules établies, les feuilles de thé (ou les cartes du Tarot) méritent tout le mépris que leur voue le sceptique. Utilisées comme déclencheurs, comme catalyseurs pour initier un processus psychique, comme stimulateurs de l’intuition entraînée, elles relèvent d’une tout autre catégorie.

La fonction du déclencheur est d’aider à faire émerger à la conscience des symboles pertinents qui hésitent sur son seuil. (Les psychologues utilisent les taches d’encre du test de Rorschach exactement de la même manière, et personne ne les traite de sorciers.) À partir de là, l’intuition et l’expérience du clairvoyant poursuivent le processus jusqu’à la phase d’interprétation.

Les déclencheurs sont nombreux et variés. Les objets physiques incluent, en plus des feuilles de thé, du plomb fondu versé dans l’eau, la boule de cristal, les images perçues dans le feu, et même les cercles de mousse dans un verre de bière. La première fois que j’ai vu Alex prendre le verre de bière d’une quasi-inconnue dans un pub et commencer à lui dire des choses sur elle, j’avoue avoir pensé qu’il se moquait d’elle. Mais sa stupéfaction devant son exactitude m’a fait changer d’avis.

« La Guinness est la meilleure », m’a dit Alex joyeusement. « Sa mousse est plus dense, plus riche, et dure plus longtemps. » Puis, plus sérieusement : « Ce n’est pas tant la chose elle-même, mais les symboles qu’elle suscite dans ton esprit, ta réaction à la symbolique, et l’interprétation que tu en donnes. »

Les cartes du Tarot (voir le chapitre suivant) sont un déclencheur bien plus complexe, une fois maîtrisées, car leur symbolique est infiniment riche et profonde. Même sans connaissance, elles peuvent être utiles. Alex raconte l’histoire d’une femme qu’il essayait de convaincre qu’elle, comme tout le monde, avait des pouvoirs clairvoyants. Il lui donna un jeu de Tarot (qu’elle n’avait jamais vu auparavant) et lui dit de disposer quelques cartes, en choisissant son propre arrangement. Elle le fit, protestant qu’elle n’avait aucune idée de ce qu’elles signifiaient. « Peu importe », lui dit-il, « choisis quelqu’un dans la pièce pour qui tu sens que le message est destiné, et raconte une histoire à partir des images. » Prenant confiance, elle se lança.

« Son message était excellent et utile », m’a dit Alex. « Il était pertinent, parce que la vérité lui avait été imposée. »

Les déclencheurs varient d’un individu à l’autre. Par exemple, Alex ne conseille pas aux nouveaux sorciers de dépenser beaucoup d’argent dans une boule de cristal, car elle peut ne pas leur convenir. Il recommande un substitut moins coûteux qui convient presque à tout le monde : dissoudre des cristaux de sulfate de cuivre dans de l’eau pour obtenir une solution bleu-vert satisfaisante, la verser dans une fiole sphérique (une fiole de laboratoire est idéale) dont le col a été raccourci soit avec un coupe-verre, soit en allumant un anneau de coton imbibé d’alcool à brûler, puis la boucher et la sceller sans bulles d’air. Ensuite, placer le flacon à l’envers sur un support recouvert de velours noir. « C’est le meilleur cristal qui soit », affirme-t-il. « Il est apaisant, relaxant et favorise un état d’esprit propice. »

Un déclencheur n’a pas besoin d’être un objet physique. Le clairvoyant peut demander au consultant de donner deux ou trois chiffres, puis utiliser la symbolique des nombres pour amorcer son raisonnement. Ou il peut aussi demander des symboles aléatoires issus de l’esprit du consultant, et s’en servir pour susciter ses propres symboles.

Le clairvoyant peut également recourir à la psychométrie : prendre dans ses mains un objet appartenant au consultant, ou à une personne absente concernée par la consultation, et ressentir sa “charge” psychique (toujours en termes des symboles qu’il provoque). Le contact physique avec le consultant lui-même (toucher sa main, par exemple) peut servir au même objectif. En fait, je soupçonne que la chiromancie, lorsqu’elle est efficace, relève davantage de la psychométrie que d’une simple lecture mécanique des lignes de la main.

Une autre catégorie de déclencheurs poursuit un objectif légèrement différent : non pas stimuler, mais détacher. On y trouve le pendule oscillant, le stroboscope, la flamme de bougie fixée du regard, ainsi que les méthodes anciennes mais dangereuses de flagellation, de restriction de la circulation sanguine, de mortification de la chair, de jeûne, et les vapeurs enivrantes de l’oracle de Delphes. L’objectif principal de tout cela est de provoquer chez le clairvoyant un détachement de son environnement, proche de la transe, afin que les symboles qui émergent soient plus vivaces et moins influencés par des facteurs extérieurs.

En réalité, ces deux catégories se recoupent, car la concentration volontaire sur un feu de braises, un cristal, ou même des feuilles de thé, induit cet état de détachement, tout en provoquant, en même temps, le stimulus nécessaire à l’émergence d’images. Pour le débutant (mis à part les dangers de certaines autres méthodes), ces approches plus douces sont préférables et présentent l’avantage supplémentaire de laisser l’esprit conscient clair pour l’interprétation des symboles. Il est significatif que les déclarations des prêtresses hébétées de Delphes étaient cryptiques et que le consultant devait lui-même interpréter les symboles, souvent avec des résultats désastreux.

Avec la pratique, la capacité à discerner et interpréter les symboles s’améliore, et les déclencheurs artificiels deviennent de moins en moins nécessaires. Les résultats renforcent la confiance de l’apprenti voyant dans les symboles qu’il perçoit, dans l’interprétation qu’il en fait, et dans la pertinence des nouveaux symboles qui lui viennent à l’esprit au fur et à mesure que l’interprétation s’affine. Ces nouveaux symboles ressemblent d’abord à de simples “associations libres” (si tant est que l’association d’idées soit jamais “simple”), passant d’une catégorie à une autre. Par exemple, de la symbolique des couleurs à celle du Tarot, à la numérologie, au Zodiaque et vice-versa. Mais, là encore, grâce aux résultats obtenus, il apprend à leur faire confiance.

J’étais récemment présent lorsqu’Alex fit une lecture clairvoyante « sans déclencheur » à un consultant.

Je vois une pelote de laine, en désordre : quoi que vous fassiez, vous y faites toujours un nœud ; elle n’est jamais parfaite, il y a toujours un défaut, vous n’êtes jamais pleinement satisfait. Finalement, vous obtiendrez ce que vous recherchez dans la vie. Vous n’achèterez pas cette pelote de laine, vous la fabriquerez vous-même à partir des matières premières, et, au fur et à mesure, elle n’aura plus aucun défaut…

Je vois un bouquet de fleurs : des chrysanthèmes, des perce-neige et des violettes, noué d’un large ruban bleu qui est disproportionné par rapport aux fleurs plus petites, mais pas par rapport aux chrysanthèmes… Vous rencontrerez des difficultés liés au pouvoir et à l’autorité, symbolisées par le bleu, la couleur de Jupiter, et cela concerne votre foyer… Le perce-neige apparaît à la période la plus difficile de l’année. C’est une fleur délicate, d’une pureté virginale. Pour asseoir votre autorité, pour tout consolider de votre ruban bleu, vous devrez attendre les moments les plus difficiles, et alors la pureté et la délicatesse de cette graine de vérité commenceront à se révéler… Avec la violette, qui fleurit au printemps, les choses s’amélioreront ; les tensions au sein de votre foyer s’apaiseront considérablement ; votre santé s’améliorera également.

Mais attention entre fin octobre et début février, une opportunité inédite se présente dans le monde des affaires. Il s’agit du chrysanthème, d’un bronze profond à l’extérieur et d’un or très pâle au centre, ce qui est excellent… Les symboles floraux indiquent souvent la période de l’année. Autorité, pouvoir : il y a une situation dans votre vie personnelle où vous devez vous affirmer. Laissez chacun dire ce qu’il veut (enfin, je ne sais plus où je veux en venir), mais c’est vous qui décidez. Soyez attentifs aux cinq mois d’octobre à février, et notamment à la symbolique du chiffre 5. Dans le Tarot, le 5 représente le Hiérophante, coiffé d’une triple couronne : trois personnes règnent en maître, chacune avec sa propre personnalité. Des conflits peuvent surgir ; il vous faudra un ruban bleu pour harmoniser le tout, avec douceur et bienveillance…

L’argent devrait affluer, car les trois fleurs sont toutes liées à l’argent. Ne me demandez pas comment, je n’en sais rien. D’ici les cinq ou six prochains mois. Le perce-neige représente la personne la plus jeune, la violette la dame plus âgée, le chrysanthème, vous. Une seule fleur me paraît parfumée, la violette. Il y a là quelque chose de très bon, de très réel et de précieux… Mais c’est à vous de lier ces trois éléments avec le ruban bleu, il faut trouver un équilibre, une entente. Je ne sais pas à quoi cela se rapporte, ce n’est pas mon affaire… Je vois le visage de la dame plus âgée, avec des rides autour des yeux, non à cause de l’âge, mais plutôt à cause d’une fatigue oculaire. Peut-être devrait-elle changer de lunettes ? Et elle devrait se coucher plus tôt plus souvent, et vous, vous devriez lui monter quelque chose à boire pendant ce temps…

Après le départ de l’homme, Alex dit :

« Une fois qu’on s’initie à la voyance, on peut l’approfondir pendant longtemps. Tout commence forcément par l’imagination, d’où tous ces exercices de contrôle mental que je propose à mes élèves. Ensuite, l’imagination doit être guidée, pour devenir une image, un langage imagé maîtrisé. On peut ensuite faire appel à ce langage pour produire des images qui sont en harmonie avec une autre personne qui demande de l’aide, qui commence à vous envoyer des symboles. Il ne s’agit pas de télépathie, car celle-ci est inconsciente, tandis que ce processus est tout à fait délibéré… Ensuite, vous agissez en fonction de ces symboles et prédisez l’issue de la situation.

Si les gens ne comprennent pas, tant pis, dis-le leur quand même. Tes propres relations avec la personne que tu aides peuvent influencer ta perception et tes paroles, car tu souhaites lui plaire. Tu dois te détacher de cela et te mettre dans la disposition d’esprit qui te permet de recevoir puis de transmettre, qu’elle y croie ou non. Le sorcier doit accomplir son travail puis l’oublier… Parfois, quand il s’agit d’un être cher, le message doit être vraiment radical pour réussir à passer.

On réussit par une pratique constante, et en ayant le courage de le faire. Au début, il peut arriver que tu te trompes, mais cela se produira de moins en moins au fil du temps… La clairvoyance est bien plus répandue dans le monde que les gens ne le pensent, s’ils osaient seulement l’utiliser.

Une bonne manière de commencer, dit Alex, c’est d’acquérir un jeu de Tarot et d’apprendre le symbolisme approximatif de chaque carte. Puis de commencer à travailler avec ses cartes, tu effectues un tirage, tu essaies de les relier à un problème particulier et entre elles. Au bout d’un moment, tu découvriras soudain qu’au-delà de tout cela, quelque chose d’autre s’éveille. D’autres images apparaissent, et tu peux les interpréter.

L’encens peut être utile, comme pour tous les autres langages symboliques (couleurs, plantes, animaux, dieux et déesses de divers panthéons, nombres, lettres hébraïques, astrologie, Arbre de Vie, Tarot), il est vraiment judicieux d’étudier les tables traditionnelles de correspondances présentées, par exemple, dans Magick in Theory and Practice d’Aleister Crowley, ou plus complètement dans son 777. Ces correspondances peuvent sembler largement fortuites à première vue, mais plus vous les étudiez, plus vous réalisez qu’elles ne le sont pas. Et même si vous n’êtes pas convaincu de leur validité universelle, elles vous offriront, sur un plan purement personnel, un vaste réseau d’associations qui rendra la pratique de voyance plus facile, en suivant des pistes symboliques qui se ramifient naturellement et de manière enrichissante.

Les voyants très avancés peuvent souvent voir (j’entends littéralement, de leurs yeux) des phénomènes invisibles au reste d’entre nous. Alex, par exemple, affirme qu’il sait souvent qu’un inconnu a été initié à la Wicca ou à une fraternité occulte avant même de lui parler, parce qu’il voit un petit disque argenté, « gros comme une demi-couronne », qui brille juste au-dessus de la tête de l’étranger. Je lui ai demandé si c’était une faculté de vision astrale, comme la capacité de voir l’aura d’une personne et ses couleurs significatives, mais Alex pensait que c’était d’un niveau supérieur, spirituel plutôt qu’astral.

En fait, la voyance en général semble fonctionner sur les plans mental et spirituel plutôt que sur l’astral. Et c’est tant mieux, car le plan astral (voir chap. 12) est notoirement un domaine d’illusions, où une grande expérience est nécessaire avant de pouvoir être sûr du sens de ce qu’on y voit. Si, donc, la clairvoyance était principalement une fonction astrale, la clairvoyance fiable serait l’apanage des praticiens avancés. Mais heureusement, comme il s’agit d’un processus essentiellement mental et spirituel, les efforts du débutant peuvent être utiles, même rudimentaires, dès le départ.

J’ai suggéré que nombre des informations reçues symboliquement par clairvoyance proviennent de l’inconscient collectif (et intercommunicant), et le fait même qu’elles soient reçues sous forme symbolique le confirme, puisque la symbolique est le seul langage que l’inconscient puisse parler. Mais une question se pose : est-ce qu’une partie de ces informations vient d’entités non humaines, ou humaines mais désincarnées ? Je pense qu’une partie doit venir de là. Dans le cas d’Alex, par exemple, beaucoup d’informations précises proviennent de “Michael” (voir chapitre 5), qui me semble fonctionner (qu’il me pardonne la comparaison) comme une sorte d’agent psychique pour Alex, recueillant et transmettant non seulement des impressions mais aussi des faits. Comme Michael (quelle que soit la manière dont on l’explique) est indéniablement conscient, il n’a pas besoin de symboles : il parle directement à Alex. C’est Michael qui a dit à Alex que X devait appeler son fiancé Y à une heure précise, dans l’exemple que j’ai donné plus tôt. Et comment pourrait-on communiquer “11 h 15, jeudi matin” par symboles ?

Pour les débutants, cependant, la source demeure voilée : ils ne perçoivent que les symboles ; tout ce dont ils ont besoin, c’est de confiance pour les laisser venir, et du discernement nécessaire pour les interpréter.

Pour démontrer que chacun possède cette faculté s’il veut bien l’utiliser, Alex proposa une expérience. Lors de notre prochain cours, je devais observer les personnes présentes, écrire les noms de trois d’entre elles (“les plus improbables, c’est encore mieux”) sur un papier, et le remettre à Alex, qui se servirait de ces trois choix comme cobayes.

Le moment venu, je choisis B, une femme timide qui venait régulièrement avec son mari mais qui parlait rarement ; C, une jeune fille ; et G, un homme, les deux derniers étant les nouveaux venus de chaque sexe.

Alex prit le papier, le lut, sourit, marmonna à Maxine : “Quel salaud, hein ?” et appela B.

“Ferme les yeux pendant une minute environ, lui dit-il, et observe quels symboles apparaissent. Puis décide à qui tu penses qu’ils sont destinés.”

Je me sentis un peu coupable d’avoir choisi B, car elle était paralysée par sa timidité et incapable de dire quoi que ce soit. Mais sa gêne, paradoxalement, brisa un peu la glace. Alex lui dit de ne pas s’inquiéter, qu’elle trouverait cela plus facile la prochaine fois, puis se tourna vers C.

C se concentra une minute, puis dit : “J’ai une image de N avec une chaîne en argent autour du cou, et un disque en argent accroché à la chaîne… J’ai essayé de penser à tout le monde dans la salle, mais je ne vois que N avec ça autour du cou.”

“Bien,” dit Alex. “Interprète ce que tu crois que c’est.”

“Oh là là… Pour moi, c’est une sorte de chaîne de fonction. C’est tout ce qui me vient à l’esprit.”

“Eh bien, je peux te dire ce que c’est,” répondit Alex. “La chaîne représente l’éternité et le cercle magique, et elle est en argent, le métal de la Déesse de la Lune. Le disque est la pleine lune. Et comme le collier de la sorcière, c’est un symbole féminin autour du cou d’un homme, et c’est justement ce que N recherche : une sorcière avec qui il pourra travailler comme Grande Prêtresse… Maintenant, va plus loin. Essaie de situer le moment, une date, où il pourra porter cette chaîne de fonction.”

“Je ne sais pas, j’ai juste le sentiment que ce n’est pas très loin,” dit C. “Il avait l’air exactement comme je le vois maintenant, pas plus âgé.”

“Assez juste,” dit Alex. “Maintenant, G…”

G vit quelque chose pour moi : “Je vois Stewart et une serviette bourrée de papiers, tellement pleine qu’il n’arrive pas à gérer…” Pas besoin d’interprétation, et comme il avait raison !

Après les trois personnes que j’avais désignées, Alex demanda des volontaires. M trouva un symbole pour J : “Un oiseau, quelque chose comme un aigle, mais pas un oiseau avec des plumes, c’est métallique ou quelque chose comme ça… Les ailes sont magnifiques, mais du cou vers le haut c’est laid… vraiment laid.” Le symbole ne signifiait rien pour M, mais pour J il avait une signification précise liée à son travail.

Ensuite, L vit pour P : “Un tourbillon qui monte, qui monte vers un point, s’élève encore vers un sommet, toujours plus haut… Non, je ne sais pas ce que ça veut dire.”

Alex, lui, savait. “P aspire à la réalisation, et nous avons œuvré pour elle. Le cône de pouvoir que le coven a levé, arrive à son point culminant, et dans un avenir très proche, toi, P, tu entendras ce que tu attends depuis longtemps. Tu sais ce que c’est — je ne veux pas le révéler devant tout le monde…”

J’écoutais, captivé, tandis que les autres parlaient, certains comprenaient leurs symboles, d’autres se contentaient de les transmettre. Soudain, à ma surprise, car j’étais complètement concentré sur les autres, deux symboles me vinrent très clairement.

Le premier était une image de la Tour de Babel, semblable à une grande pièce-montée, avec de minuscules personnages occupant confusément ses différents étages. La seconde image représentait un enchevêtrement de racines souterraines d’un arbre, s’entremêlant et s’enroulant les unes autour des autres.

Avant même d’avoir donné une signification à ces images, je savais qu’elles concernaient H, un sorcier de troisième degré, studieux et érudit, mais parfois maladroit dans ses paroles. Je les lui décrivis.

“Bien,” dit Alex. “Essaie de les interpréter.”

Je réfléchis un instant. “Je suppose que cela signifie qu’il essaie de fonder son travail sur un trop grand nombre d’influences et d’idées, ce qui engendre une confusion (au sommet).”

“C’est exactement ce que je t’ai dit en privé,” répondit Alex à H. “Tu dois te concentrer sur une chose à la fois. Tu as trop de projets en cours, jamais terminés, tes racines partent dans tous les sens, et au lieu qu’un tronc en sorte, c’est une Tour de Babel.”

Après le cours, H admit la justesse de l’évaluation.

J’avais été impressionné par l’expérience en classe, non pas tant parce que les exemples “prouvaient” quoi que ce soit, mais parce qu’ils confirmaient la fécondité de la technique consistant à capter et développer des symboles. Et lorsque cela m’arriva spontanément (les symboles et la certitude qu’ils concernaient H me prenant totalement au dépourvu), la technique devint pour moi une réalité, et non plus une simple hypothèse, aussi convaincante fut-elle intellectuellement. C’était, certes, peu de chose, mais ce fut mon premier acte conscient de clairvoyance. Je dis “conscient” à dessein, car cela me fit aussi réaliser que de tels symboles peuplaient mon esprit depuis toujours. Je ne m’étais simplement jamais demandé ce que l’on pouvait en faire, ni à qui ils pouvaient s’adresser. Alex avait donc raison. Tout le monde peut être voyant s’il sait comment s’y prendre.

Le lendemain, je répétai l’expérience (en silence) à propos d’une femme que je connaissais assez bien professionnellement, mais pas du tout dans le privé. En pensant à elle, je vis d’abord un arbuste touffu, rond, aux feuilles serrées, haut d’à peine un mètre. Puis, très nettement, un anneau de métal autour d’un manche de bois, comme la partie d’une canne ou d’un parapluie.

L’interprétation ? Le contour de sa personnalité est clair, mais sa vie privée reste impénétrable à ses collègues. On voit les feuilles, mais pas la tige. Quelque chose retient cette vie personnelle dans un anneau indestructible : il est en fer ou en acier, pas en or, donc ce n’est pas une alliance. L’anneau, sans ouverture ni fin, infini et donc clos, est solide, lisse et épouse parfaitement le manche ; il contraint tout en maintenant et en protégeant. S’il représente une impasse d’un certain point de vue, il incarne aussi stabilité, continuité et fiabilité. Peut-être est-elle aussi heureuse avec de l’acier qu’avec de l’or, comme le suggère la douceur de son sourire occasionnel…

De toute évidence, la clairvoyance pourrait devenir une habitude. Et pourquoi pas ?

i « Bien que Jung ait été le grand promoteur du concept d’inconscient collectif, je reconnais que l’usage que je fais de son expression dépasse ce qu’il entendait. Il l’appliquait à la mémoire de l’espèce, inconcevablement ancienne, dans laquelle les archétypes persistent. Pour ma part, je l’utilise dans le sens élargi que lui donnent des auteurs comme Rosalind Heywood (The Sixth Sense et The Infinite Hive), qui suggèrent que l’inconscient collectif peut, et effectivement, communique, et qu’il constitue le véritable canal de la télépathie. »