Le chaudron des sorcières

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Par Doreen Valiente. Extrait du livre : « An ABC of Witchcraft past and present ». Traduction & adaptation : Lune.

Dans l’imaginaire populaire, le chaudron fait partie intégrante de toute scène de sorcellerie, comme le balai et le chat noir. Cette croyance trouve en partie son origine dans la pièce de Shakespeare, intitulée Macbeth, où le chaudron des sorcières est présenté sur scène, avec les danses et les incantations auxquelles on l’associe. En raison de ses scènes où apparaissent des sorcières, les acteurs considèrent Macbeth comme une pièce de théâtre inquiétante qui porte malchance.

Cela dit, le lien entre le chaudron et la sorcellerie remonte à une période bien antérieure à Macbeth ; en réalité, à l’époque de la Grèce Antique. Les légendes grecques rapportent l’histoire de Médée, sorcière de Colchide, que Jason épousa lors de sa quête de la toison d’or. Médée était une prêtresse d’Hécate, la déesse de la lune et de la sorcellerie ; et elle possédait non seulement un chaudron, mais elle avait également un coven. Selon Robert Graves, dans ses Mythes grecs (Greek Myths : Penguin Books, London, 1957 and Baltimore, Maryland, 1955), Médée était accompagnée de 12 jeunes esclaves phéaciennes, qui l’ont aidée dans son horrible complot visant à tuer le roi Pélias, au moyen de son chaudron magique.

Dans la Grande-Bretagne et l’Irlande anciennes, les chaudrons magiques étaient mis largement à l’honneur dans les mystères religieux. Les héros voyageaient dans d’étranges royaumes enchantés de l’Autre-Monde afin de gagner un chaudron merveilleux, prix de leurs aventures. Cet auteur croyait que la coutume de donner des coupes ornementales, habituellement en or ou en argent, en récompense de compétitions sportives, en était un lointain écho ayant survécu dans la mémoire populaire. L’enthousiasme délirant de la finale de la Coupe, lorsque l’équipe victorieuse brandit la grande coupe, brillante et durement gagnée, devant la foule en liesse, trouve son origine dans un lointain mythe antique.

Les légendes du Saint Graal, dont les racines remontent aux mythes celtiques préchrétiens, témoignent de la transformation du chaudron en coupe. Avec l’avènement du christianisme, le chaudron d’inspiration et de renaissance, qu’Arthur et ses fidèles recherchèrent à travers d’étranges et périlleux royaumes des ombres, tel que cela est chanté dans la poésie bardique, devint le Saint Graal pour lequel les Chevaliers de la Table ronde partirent en quête.

Les sorcières conservèrent, quant à elles, l’ancienne version païenne et le chaudron, qui est à l’origine celui de la déesse lunaire druidique, devint leur symbole. Un chaudron est un symbole universel de la nature, la Grande-Mère. En tant que réceptacle, il représente le principe féminin. Reposant sur trois pieds, il rappelle la triple déesse de la lune. Les quatre éléments de la vie le pénètrent, car il faut du feu pour le faire chauffer, de l’eau pour le remplir, les vertes herbes de la terre afin de les cuire et ses vapeurs aromatiques s’élèvent dans les airs.

Le chaudron représente en fait un grand pas vers la civilisation. Avant que l’homme ne soit capable de fabriquer des marmites en métal pouvant résister au feu, il devait se contenter d’épaisses marmites en terre que l’on chauffait laborieusement à l’aide de pierres brûlantes jetées dedans. Le chaudron en métal, sur lequel veillait la femme en tant que chef du foyer, offrait aux hommes une nourriture mieux cuite, davantage d’eau chaude pour se laver, ainsi que des décoctions ou des infusions d’herbes médicinales préparées à l’aide d’eau bouillante. Ainsi le chaudron devint un instrument de magie et tout particulièrement de magie des femmes.

Le chaudron a également pris une connotation sexuelle, comme en témoigne l’ancienne ballade à propos de la dame et du rétameur itinérant, qui offre à celle-ci de « lui marteler le chaudron », au cas où elle aurait besoin de ses services.

Telles ont été les transformations du chaudron qui est lui-même le réceptacle de la transformation, car il transforme des aliments crus et immangeables en une bonne nourriture ; il transforme herbes et racines en remèdes et puissantes médications ; et il est l’emblème de la femme comme le plus grand réceptacle de transformation, prenant la graine de l’homme pour la transformer en un enfant. En un sens, la nature était pour les païens le chaudron de régénération, dans lequel toutes choses, humains, bêtes, plantes, étoiles célestes, terres et eaux elles-mêmes, bouillonnent et sont transformées.

Nous revendiquons le chaudron des sorcières comme, originellement, le vase ou l’urne de l’ardente transmigration dans lequel toutes choses du monde changent.

(Hargrave Jennings, The Rosicrucians, Their Rites and Mysteries, London, 1870.)

Cerridwen, l’ancienne déesse britannique qui présidait aux Mystères selon les druides, brassait un Chaudron d’Inspiration avec des herbes magiques, qui devait bouillir et bouillonner pendant un an et un jour. Au terme de cette période en jaillissaient les « trois gouttes de sagesse », l’Awen mystique. Ce mot se prononce AH-OO-EN, qui rappelle l’Aum oriental. Les trois gouttes sont identiques aux trois rayons, ou Tribann, qui est l’un des plus importants symboles de la tradition druidique et qui désigne « l’inspiration divine ».

Illustration extraite du livre pour enfants « Les sorcières » de Colin Hawkins. Aux éditions Albin Michel jeunesse. (1981)