Ce que sont les « Cunning folk »

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Par Lune.

Cunning folk est un terme que je retrouve souvent au cours de mes lectures et traductions. Même si j’ai déjà traduit un article à ce sujet, j’aimerais revenir sur ce terme pour encore plus de clarté.

Le cunning man ou la cunning woman pratique la guérison ou plus précisément la médecine traditionnelle et magique, la divination, la magie populaire/des campagnes, la communication avec les esprits, il/elle lève également les sorts…

Des auteurs wiccans, comme Raymond Buckland dans « Wicca for One » ou encore Rosemary Ellen Guiley dans « the Encyclopedia of witches, witchcraft and wicca », expliquent que le mot cunning viendrait du Vieil Anglais kenning qui signifie « sage » ou « savant ». Pour eux, les cunning men et cunning women sont donc des hommes et femmes sages.

  • Le terme cunning, son origine :

Notre premier réflexe est de chercher le mot dans le dictionnaire d’anglais, mais cunning comme on l’emploie de nos jours ne nous renseigne pas vraiment sur ce que sont les cunning folk. En effet, le sens premier de cunning aujourd’hui est : rusé, malin, fourbe, trompeur… Il faut donc rechercher son étymologie.

Voici ce que The Compact Oxford English Dictionary explique sur l’origine du mot cunning :

« Moyen anglais : provient peut-être du vieux norrois kunnandi « le savoir », du [verbe] kunna « savoir » (apparenté au verbe to can, savoir/avoir appris, dans le sens de capacité), ou provient peut-être du moyen anglais cunne, une variante obsolète de can. Le sens original était « (possédant) une érudition ou un don » et n’a aucun rapport avec la duperie ; le sens de « duplicité » date de la fin du moyen anglais. »

Une explication qui aurait davantage de sens dans notre contexte.

  • Mais chez nous, en France…

Selon Wikipédia, on retrouve ce genre de praticiens dans toute l’Europe chrétienne depuis au moins le XVe siècle, dans le contexte de traditions populaires diverses. Même si bien sûr, on peut imaginer qu’ils ont existé de tout temps, sous d’autres noms et dans bien d’autres contextes culturels, sociaux et religieux.

Au fil de mes lectures, je suis tombée sur Antoine Court de Gébelin et son livre : Le Monde primitif analysé et comparé avec le monde moderne considéré dans son génie allégorique (XVIIIe siècle) où il explique l’origine du terme « gonin » et le rapproche de cunning-man.

Il s’agit d’un terme que l’on retrouve exclusivement dans les phrases populaires ou proverbiales : « Un Maître-Gonin » ou « un tour de Maître-Gonin » et qui désigne un maître passé en ruses et artifices, un homme fin et rusé.

L’auteur explique qu’il nous vient des Anglais :

« Cunning désigne chez eux un homme adroit, fin, rusé. Master Cunning a fait Maître-Gonin. Ce mot vient du primitif Cen prononcé Ken qui signifie « habileté, art, puissance » ; les Irlandois en ont fait Kann « je sais », Kunna « savoir », Kenning « science », Kenni-Menn « hommes savans », « Docteurs », « Prêtres ». […] Les Anglois associant Cunning avec Man « homme », en font le mot Cunning-Man qui signifie « Devin, Enchanteur, homme qui fait de grandes choses et qui est habile » […]. »

C’est intéressant, mais on ne peut aujourd’hui employer un tel terme pour désigner en français ce genre de praticiens.

J’ai pris l’habitude de traduire cunning folk par sorcier-rebouteux, or ce terme ne convient pas. Un sorcier n’est pas forcément un guérisseur. Et puis comme le dit Hugues Berton dans Objets de sorcellerie, le jeteur de sort… « le sorcier, c’est l’autre ». Un rebouteux peut pratiquer certaines formes de magie ou non, par exemple je me souviens d’une rebouteuse en Poitou, très pieuse, qui n’aurait jamais considéré son travail comme de la magie et encore moins comme de la sorcellerie. Le sorcier et le rebouteux peuvent pratiquer la divination ou non, la communication avec les esprits ou non…

  • Définir ce qu’est un rebouteux, un sorcier, un devin…

Rebouteux désigne un guérisseur. Selon le dictionnaire en ligne Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, il s’agit de :

« Celui ou celle qui guérit par des procédés empiriques les luxations, les fractures, les foulures, les douleurs articulaires… »

Toujours selon ce dictionnaire en ligne, sorcier désigne :

« Personne à laquelle on attribue des pouvoirs surnaturels et en particulier la faculté d’opérer des maléfices avec l’aide du diable ou de forces malfaisantes.« 

Ce terme garde une connotation négative, mais à vrai dire ce n’est pas très différent pour le magicien :

« Personne qui pratique la magie et plus spécialement la magie noire. »

Quant au devin :

« Personne qui, par le recours à des procédés occultes, à des pratiques magiques, s’applique à deviner, à découvrir ce qui est ignoré ou caché, et en particulier à prédire les événements futurs. »

D’ailleurs, l’article Wikipédia en anglais sur les cunning folk traduit le terme en français par :

« Devins-guérisseurs » et « leveurs de sort ».

Ce qui reste encore trop spécifique à mon sens. Dans ses livres, Hugues Berton, chercheur en ethnologie, parle de tradipraticien.

Tradipraticien est un terme que vous ne trouverez peut-être pas dans votre dictionnaire, néanmoins il est habituellement utilisé pour désigner un guérisseur traditionnel d’Afrique. Selon Wikipédia :

« Un tradipraticien (aussi appelé « tradithérapeute », nganga, « guérisseur ») exerce une pratique médicale non conventionnelle reposant sur des approches présentées comme traditionnelles dans certaines communautés africaines. »

Dans « Objets de Sorcellerie, objets pour guérir » et dans le contexte de la tradition de nos campagnes françaises, Hugues Berton l’utilise de préférence à celui de guérisseur ou de sorcier : « le tradipraticien est littéralement le praticien de la Tradition. »

Pour conclure, ce mot-valise me semble être le plus juste pour traduire cunning folk, car il englobe toutes leurs pratiques.

Sources :

Photo qui illustre l’article : Bourg-pol. Rebouteur guérissant les maux de tête avec un emplâtre de feuilles de choux et de saindoux.

Sur notre site, voici les articles qui évoquent les cunning folk :