Sortilège toscan contre les commérages

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Sortilège toscan contre les commérages. Extrait de Etruscan Roman Remains in Popular Tradition, 1892. Par Charles G. Leland, traductions Cécile & Lune

Il existe en Toscane un sortilège contre les commères, les médisants, les calomniateurs et les dispensateurs de ragots. Le voici :

Contre les gens qui jasent sur notre compte (le persone chi ciarlano sui nostro conto), prenons de l’encens avec deux doigts plus le pouce (con tre dita) et répandons-en sur le seuil de la porte, et à la fenêtre plaçons une quenouille et un fuseau suspendu avec une fusaïole (penzoloni), brûlons alors l’encens et disons :

« Incenso, Incenso!
Che bene tu possa bruciare!
E coso possono bruciare
Le male lingue che ciarlano,
Tanto di me, e appena
Tu sarai bruciato,
La rocca e il fuso
Dalla finestra me ne andero a levare
E anche quelle voglio bruciare,
E cosi bruciare, e cosi bruciare,
Pure quelle male lingue
E di me non tornerrano più a ciarlare,
Fino che la rocca e il fuso
Come prima non tornera, questo come prima,
Non potra mai tornare;
E le linguaccie indegne
Male di me non più potrano parlare!
E cosi bruciare, e cosi bruciare, »

Traduction littérale de l’italien (par Cécile) :

« Encens, Encens !
Puisses-tu bien brûler !
Et ainsi peuvent brûler
Les mauvaises langues qui cancanent
Tant sur moi, et dès que
Tu seras brûlé
La quenouille et le fuseau
Je m’en irai ôter de la fenêtre
Et aussi celles que je veux brûler
Et brûler ainsi, et brûler ainsi
Même ces mauvaises langues,
Qui sur moi ne recommenceront plus à cancaner
Jusqu’à ce que la quenouille et le fuseau
Comme avant ne revienne, ceci comme avant
Il ne pourra jamais recommencer
Et les mauvaises langues indignes
Ne pourront plus dire du mal de moi.
Et brûler, brûler. »

Traduction & adaptation de la traduction anglaise de C. Leland (par Lune) :

« Encens, Encens !
Puisses-tu bien brûler !
Et ainsi puissent brûler, et ainsi puissent brûler
Les langues qui disent du mal de moi !
Tu seras brûlé,
Alors, de la fenêtre, je retirerai
La quenouille et le fuseau,
Eux aussi, je brûlerai,
Et ainsi puissent brûler, et ainsi puissent brûler
Ces mauvaises langues ; puissent-elles ne jamais retourner
À leurs commérages jusqu’à ce que la quenouille
Et le fuseau tournent tel qu’auparavant !
Puissent ne plus jamais retourner !
Et ainsi, puissent les mauvaises langues, indignes
Ne plus jamais dire de mal de moi
Et ainsi, puissent brûler. »

Cette invocation a des airs de latin classique, une force brute et une expression astucieuse dans tornerano (tourner et retourner), employée pour parler du filage et des langues qui est vraiment poétique.

Mais ce qui est le plus intéressant, c’est sa similitude avec une incantation décrite par Ovide.

Une vieille femme, nous dit-il, conjure comme suit, pour protéger toutes les personnes présentes des langues calomnieuses et du mauvais œil :

  • Tout d’abord, elle prend à 3 doigts 3 pincées d’encens et les place sous le seuil de la maison, dans un trou de souris.
  • Puis, alors qu’elle murmure des incantations, elle enroule du fil de laine sur un dévidoir de couleur sombre, tout en faisant tourner 7 haricots dans sa bouche.
  • Enfin, elle prend la tête d’un poisson, appelé mana (anima), elle l’enduit de poix et lui enfonce une aiguille de bronze pour lui coudre la bouche, et le fait sécher au-dessus d’un feu, dans lequel elle verse du vin et boit le reste avec les filles présentes.

C’est la version de PRELLER, mais dans une phrase je comprends que dévidoir signifie quenouille, fuseau et le plomb  penzolono. «Tum cantata ligat cum fascio licia plumbo. »

PRELLER propose rhombo pour plumbo, mais la fusaïole est généralement en plomb. Cependant, tout bien considéré, il est clair que dans les deux cérémonies, nous avons trois pincées d’encens, avec la quenouille et le fuseau – tous contre les calomniateurs.

La quenouille et le fuseau constituaient des éléments essentiels de la magie classique et comme le fait remarquer PRELLER :

Spinning and turning round belong in their nature to sorcery.

Les actes de tourner et retourner appartiennent par nature à la sorcellerie.

Ndlt : les verbes to spin et to turn round signifient littéralement faire tourner, tourner autour d’un axe, tourner sur soi-même. Mais ici, to spin désigne l’action de filer (le fuseau ou le rouet permettent de  tourner, tordre la fibre pour la transformer en fil). D’un point de vue technique, il conviendrait mieux de traduire par : « les actes de filer et retordre appartiennent par nature à la sorcellerie » mais on perdrait le double sens qu’a voulu donner l’auteur à ces mots.