Crapaudine, une amulette ancienne

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Par Lune.

Crapaudine, une amulette puissante

Au moyen-âge, la crapaudine passait pour être une excellente amulette. Pour rappel, une amulette est un objet magique qui a pour but d’écarter de son propriétaire tout danger et influence maléfique. C’est un outil de protection, différent d’un talisman. Ce dernier est destiné à attirer certains bienfaits sur son propriétaire, alors que l’amulette agit comme un bouclier occulte, qui « repousse ».

Cette pierre, que l’on considérait comme fine jadis, était portée autour du cou ou au doigt, montée sur bague, sertie dans de l’argent ou de l’or.

Vieux crapauds, fossiles & pierres magiques

On a longtemps cru que la crapaudine, ou bufonite, provenait de la tête de (vieux) crapauds, en latin bufo. En réalité, il s’agit de fossiles, ou plus exactement de dents pétrifiées de poissons (sparus, dorade.)

Les crapaudines rondes possèdent une forme de « bouton » ou de petite calotte. Celles que je possède mesurent un peu moins d’un centimètre. Elles peuvent aussi être de forme allongée. Les miennes sont noires et brunes, mais il en existe des blanches, des rousses, des grises et vertes. Elles peuvent être tachetées de blanc et de brun/roux.

Voici mes cinq petites crapaudines…

Ses différents noms

Crapaudine. Bufonite. Pierre de Crapaud. Batrachite. Chelonite. Oeil de loup. Pétrifiées, elles portent le nom d’yeux de serpent.

Pierre guérisseuse : Croyances & Superstitions

Au moyen-âge, la Crapaudine, ou encore nommée Pierre de Crapaud, était une pierre dite « à venin ».

Elle était utilisée en prophylaxie dans les envenimations.

Par ailleurs, on pensait qu’elle était un antidote au poison et on croyait également qu’elle avait la capacité de changer de couleurs en sa présence ou encore de devenir très chaude, prévenant ainsi son porteur du danger.

D’autres la portaient pour se protéger des maladies rénales (1). Ils pensaient qu’elle pouvait prévenir la formation des calculs.

Sertie dans un anneau d’argent, elle était censée guérir les fistules si on en frictionnait la lésion pendant 12 jours. Beurk ! (2)

Les joailliers présentaient la crapaudine comme un charme magique singulier et infaillible.

Pendant la Grande Peste, elle aurait été utilisée en la posant sur le cœur pour le renforcer. Car elle aurait donné le pouvoir d’extraire le poison du cœur, et de chasser furoncle et pestilence.

Au XVI° siècle, certains auteurs la recommandent pour guérir l’épilepsie et les vertiges. Mais je crois que c’était déjà le cas antérieurement.

Ils lui attribuaient également la capacité de libérer de tout ensorcellement les femmes enceintes, les enfants et le bétail .

On pensait encore à la même époque, qu’elle pouvait « consumer, dissiper et adoucir toutes duretés, tumeurs et varices. »

Les origines de la Crapaudine

On peut rapprocher cette Pierre de Crapaud, Bufonite, de la « Pierre de Grenouille », Batrachite. Pline l’évoque dans son Histoire Naturelle (Ier siècle de notre ère) sans trop de détail, ni sur son folklore ni sur son usage médicinal :

Coptos envoie aussi les batrachites, l’une de couleur de grenouille, l’autre de couleur d’ébène, une autre d’un noir tirant sur le rouge. (Histoire Naturelle, 37 : 55, 149)

À noter, d’ailleurs que Pline confond souvent grenouille et crapaud.

Crapaudine, Crapaud & Magie / Médecine sympathique

On peut supposer que la dénomination de la Pierre de Crapaud, à l’image de La Pierre de Grenouille, provient de sa ressemblance à l’animal en question. Dans ce cas, plus que probable, l’usage de la crapaudine est clairement de la magie sympathique, c’est-à-dire de la magie par similitude. Il serait d’ailleurs plus juste de parler de « médecine sympathique ». On a donc fait de la crapaudine une pierre prophylactique, et plus précisément une pierre qui protège du venin et des poisons.

Le folklore a fait des grenouilles et crapauds des êtres maléfiques et venimeux. C’est donc naturellement, par analogie, que les crapaudines pourront contrer poison et venin.

Ce qui est juste ici, c’est que le crapaud commun (bufo bufo Linné), répandu dans presque toute l’Europe et dans diverses autres parties du monde, produit du venin par le biais de sa peau pour se défendre de ses prédateurs. MAIS, il s’agit seulement d’un moyen de défense passif, surtout dangereux pour nos animaux domestiques (chiens et chats) qui tenteraient de le croquer. Il n’est pas dangereux pour l’homme tant que celui-ci ne le porte pas à sa bouche. (Je ne m’étendrai pas sur certaines pratiques chamaniques, car, ici, ce n’est pas le sujet.)

Le crapaud est très utile au jardin, car il mange, entre autres, limaces, escargots et chenilles.

Crapaud & crapaudines (les photos proviennent de ce site)

Une autre source ancienne

Plus tard, les Cyranides parlent plus clairement d’une pierre issue de la tête d’un crapaud faisant une excellente amulette :

Le crapaud terrestre, appelé saccos, dont le souffle est venimeux, recèle une pierre dans la moelle de sa tête. Si vous vous en emparez lorsque la lune décroît, placez-le dans un morceau de lin pendant 40 jours, ensuite ouvrez-le et prenez la pierre, vous obtiendrez une puissante amulette. Suspendez-la à votre ceinture, elle guérit les œdèmes et le spleen, comme je l’ai moi-même éprouvé. (Evans 1922 : 19). (Note de Lune : j’ai traduit la version anglaise et je m’interroge sur le mot « spleen » peut aussi signifier rate ou poison. Ce qui serait particulièrement pertinent dans le contexte. Je ne suis pas parvenue à retrouver la version grecque ou latine de ce texte. Il serait intéressant de traduire le mot original.)

Les Cyranides, ou Kyranides, sont une compilation alphabétique de traités magiques et médicaux, attribués à Harpocration d’Alexandrie et Kyranos, Roi de Perse. Sa composition s’étendrait du Ier siècle au IVe, voire VIIIe siècle. Cet ouvrage fut compilé par un auteur byzantin entre le Ve et le VIIIe siècle, et traduit du grec en latin par Gérard de Crémone (1114-1187).

Une amulette désuète

C’est seulement au XVII° siècle qu’on retire à la crapaudine ses pouvoirs magiques, prophylactiques, guérisseuses… Lorsque certains auteurs, comme le Dr Christopher Merrett puis Agostino Scilla Pittore, découvrent et déclarent qu’il ne s’agit pas de pierres extraites du crâne de vieux crapauds, mais simplement de vulgaires dents de poisson fossilisées.

D’autres croyances autour de la crapaudine se propagent au XIX° siècle

Les croyances ont tout de même la vie dure, au XVIII°, certains continuent d’affirmer les vertus guérisseuses de la crapaudine. Et au XIX°, les folkloristes découvrent que les superstitions à propos des pierres de crapaud se sont répandues et ont été enjolivées, plus que jamais.

La gemme magique :

  • stopperait les saignements,
  • préserverait des fausses couches,
  • stimulerait la lactation,
  • guérirait les maux de poitrine,
  • et aiderait à faire l’amour,
  • cachée derrière les mangeoires par un garçon d’écurie, aucun mal ne pourrait survenir aux chevaux et aux vaches, qui se porteraient bien.

Pour protéger mères et nouveau-nés du pouvoir des fées

Sir Walter Scott écrira sur elle :

Pierre de Crapaud – une amulette célèbre, que l’on ne prête jamais à quiconque, sauf contre une garantie de 1000 pièces d’argent, afin de s’assurer qu’elle soit rendue. Elle est souveraine pour protéger les nouveau-nés et leurs mères du pouvoir des fées. Elle a été empruntée à ma mère à plusieurs reprises pour cette vertu.

Lettre du 4 avril 1812 de Sir Walter Scott à Joanna Baillie.

Pour conclure

Personnellement, je préfère qu’il s’agisse de fossiles plutôt que de pierres extraites de la tête de vieux crapauds, que je trouve sympathiques et bien utiles. Et je préfère également et largement les légendes tardives qui entourent la crapaudine. Elles enflamment bien plus mon imagination que les précédentes. Et c’est exactement cela qui la rend magique à mon sens. Foi de Sorcière !

(1) Une bague originaire d’Italie (XIVe siècle) est ornée d’une crapaudine, réputée protéger contre les maladies rénales. Extrait du site CRMH. « Les moyens de la protection privée » par Edina Bozoky.

(2) Lapis bufonis: the growth and decline of a medical superstition, par Thomas R. Forbes.

Bibliographie :